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Correspondance avec Monsieur X4 (à propos de Thonnard)

Table des matières

1) Monsieur X4 (2007-août-19; courriel adressé à SL)
2) S. Jetchick (2007-août-21)
3) Post-Scriptum (2022-oct-20)

1) Monsieur X4 (2007-août-19; courriel adressé à SL)

[Avertissements de SJJ:
	- Monsieur «SL» ne voulait pas rendre public son nom.
	- «Monsieur X4» ne m'a jamais contacté. Je doute même
	qu'il soit au courant de mon existence. C'est SL qui
	a posé des questions sur Thonnard à Monsieur X4, et
	qui m'a ensuite acheminé, sans permission, le courriel
	de Monsieur X4 à moi.
	- Je ne me souviens plus si j'ai envoyé ma réponse à
	SL en lui demandant de l'acheminer à Monsieur X4. J'imagine
	que c'est ce que j'ai fait (oui, j'aurais dû noter cela).
	- Le HTML de Monsieur X4 est crotté]
Cher SL,
 
Vous me savez réticent vis-à-vis des manuels ad mentem divi Thomae. Celui du P. Thonnard me semble mériter mes réserves plus qu'un autre. Pourquoi?
Etienne Gilson dit beaucoup mieux tout cela que je ne saurais le faire:
 
    Dire que la métaphysique a pour objet la notion d'être en tant qu'être exploitée à la lumière du premier principe, c'est se tromper doublement. D'abord la métaphysique ne porte pas plus sur la notion d'être en tant qu'être que la physique ne porte sur la notion d'être en devenir. Ce serait là transformer ces sciences en logiques : la physique porte sur l'être en devenir lui-même, comme la métaphysique porte sur l'être en tant qu'être ; nous disons bien, sur l'être lui-même, et non pas simplement sur sa notion. De la notion d'être en tant qu'être, il n'y a rien à tirer ; de l'être en tant qu'être, il y a tout à dire, mais il faut pour cela l'atteindre d'abord et, sinon le comprendre, au moins le toucher, puis n'en jamais perdre le contact sous peine de s'égarer dans un verbalisme sans objet.
    La facilité dont bénéficie le dialecticien est le plus grand de ses dangers. Partir des définitions nominales de l'être, de la substance et de la cause pour en déduire les conséquences à l'aide du premier principe, on peut toujours le faire, sinon facilement, du moins avec succès. Certains même le font avec une maîtrise de virtuoses qui force l'admiration, mais on n'obtient par là que l'épure abstraite d'une métaphysique possible. Au mieux, on se donne à soi même le plaisir de se la représenter après coup, une fois faite, dans une sorte de tableau d'ensemble qui permet de l'embrasser d'un seul regard. A ce moment pourtant, elle est morte et ce n'est pas ainsi qu'on aurait pu la faire d'abord. D'où le conflit funeste du mode d'exposition et du mode d'invention, car ceux qui "exposent" sont bien rarement ceux qui inventent, ou, quand ce sont les mêmes, ils nous cachent en exposant leur art d'inventer, si bien que nous ne savons nous-même comment ré-inventer en mettant pas dans leurs pas, ce qui est pourtant la seule manière d'apprendre. Aussi voit-on, dans les enseignements affligés de ce fléau, les élèves apprendre sans comprendre et, pour certains d'entre eux, perdre confiance en leurs propres aptitudes philosophiques, alors que la meilleure preuve en est qu'eux, du moins, comprennent qu'ils ne comprennent pas.
    Ces habitudes s'expliquent particulièrement mal chez des maîtres qui se réclament de la philosophie d'Aristote et en opposent le sain empirisme à l'idéalisme de leurs propres contemporains. Faisant profession de partir en tout de l'expérience, il est paradoxal de s'en détourner en métaphysique, dont les principes règlent le corps entier du savoir. Pourtant, l'oeuvre d'Aristote est là, et si l'on ne s'intéresse pas à la manière dont elle s'est faite, les déclarations réitérées de son auteur doivent suffisamment avertir du péril. Parlant des règles absolument premières du jugement, les principes de non contradiction et du tiers exclu, Aristote fait observer que chaque savant en use comme valable dans les limites de sa propre science (II Anal., I, 11, 77 a 22-25). En matière de connaissances réelles, on ne raisonne pas à partir des principes, mais en accord avec eux et dans leur lumière, sur la réalité.
Etienne GILSON, Introduction à la philosophie chrétienne,
deuxième édition (Thierry-Dominique Humbrecht O.P.)
Paris, Vrin, 2007, pp. 117-118.
 
Le Père Marie-Dominique Philippe, sur lequel je travaille en ce moment, est sensible au même écueils du thomisme d'entre les deux guerres :
 
[...] Or, définir consiste uniquement à mettre les choses en place, ce qui n'est pas précisément une finalité. Fixer trop l'attention sur les définitions, c'est la détourner de ce qui est. Nous possédons les définitions. alors, si nous aimons mieux posséder que contempler, nous nous arrêtons aux définitions et à la logique, nous n'entrons plus en philosophie premirèe et notre intelligence devient stérile : le drame est là.
    Le premier glissement dans la recherche de la vérité se fait donc quand on recherche la logique avant tout. Certains thomistes déclarent que si on ne leur laissait qu'une seule partie de la philosophie à enseigner, ils choisiraient la logique sans hésitation : c'est une trahison complète de la pensée de saint Thomas. Mais d'où cela provient-il? De ce qu'on cherche à demeurer dans une sécurité intellectuelle : la définition sécurise car on la possède. La découverte inductive des principes propres de ce qui est ne sécurise pas parce qu'on ne la possède jamais. Une intelligence qui n'a pas vraiment découvert l'âme, la substance, préfère s'arrêter sur les définitions ou sur la dualité de la substance première et de la substance seconde (qui relève en partie de la logique de l'attribution) plutôt que de chercher à découvrir ces principes qu'elle ne possède jamais et qu'elle ne peut pas définir. Une telle intelligence se retourne, se replie sur elle-même et considère qu'il est plus important d'être dans une conscience parfaitement limpide et une sécurité, une certitude subjective par rapport à ce qu'elle affirme, plutôt que de chercher la vérité, d'être en attente de la vérité en revenant constamment à ce qui est et en interrogeant toujours.
    Certes, une intelligence logique a déjà quelque chose. Mais elle n'est pas vraiment formée. Elle possède un certain bien (la logique est un art que l'on peut posséder) mais elle s'y arrête. Elle n'est donc pas formée en profondeur puisqu'elle n'atteint pas sa fin. Si la logique que nous possédons n'est pas utilisée pour être dépassée et aller toujours plus loin dans la recherche de la vérité, elle risque, au lieu d'être un instrument (organon) utile pour la précision de la communication de la pensée, de devenir un obstacle qui nous barre la route, un plafond à hauteur d'homme qui nous empêche de nous élever à la hauteur de ce qui est. La logique est à la hauteur de ce que l'homme possède. la référence devient alors l'homme qui construit un système où tout n'est regardé qu'en fonction de la cohérence qui remplace la vérité. Le primat de la logique conduit directement à une philosophie systématique, c'est-à-dire à une pensée qui cherche à définir et à ordonner la connaissance comme un tout d'une cohérence parfaite.
    Le système cherche donc avant tout des relations certaines et oublie de s'interroger sur le fondement de ces relations. Ce qui est tout à fait caractéristique de la relation, en effet, c'est qu'elle peut être une détermination de l'être réel ou une relation de raison dont le fondement est une activité de la raison humaine. L'universel, par exemple, est une relation de raison ;  de même la négation. Ceux qui cherchent la définition cherchent avant tout l'universel et oublient très vite la réalité existante. ils construisent leur pensée par les relations de raison et sont ainsi conduits à donner le primat à ce qu'ils connaissent, à ce qu'ils gardent, à ce qu'ils ont atteint et possèdent du réel ; ils ne cherchent plus en premier lieu la référence à la réalité par le jugement d'existence "ceci est".
Marie-Dominique PHILIPPE O.P., Retour à la source, t. I, Pour une philosophie sapientiale,
Paris, Fayard, 2005, pp. 150-151.
 
 
Gilson (1884-1978); Marie-Dominique Philippe (1912-2006); Cornelio Fabro (1911-1995): trois grands du renouveau thomiste, en désaccord entre eux sur des points cruciaux de contenu et de méthode, mais tous d'accord pour dépasser le thomisme rationalisant des "grands commentateurs", et surtout de leurs disciples des années 1930-1950. Le malheur, bien sûr, c'est qu'ils n'ont actuellement que peu d'audience dans les milieux catholiques (même tradilandais!), pour ne rien dire du monde universitaire. Pourtant, ils ont tout de même pris la peine d'écrire des synthèses très abordables, comme les deux ouvrages dont je viens de citer des extraits. Je vous en recommande donc chaleureusement la lecture, beaucoup plus intéressante et, au vrai sens du terme, pédagogique, que le P. Thonnard.

2) S. Jetchick (2007-août-21)

Bonjour M. X4,

D'abord, quelques détails sur ce courriel. C'est Monsieur SL qui m'a
acheminé votre courriel d'origine. Je ne sais même pas si vous me
connaissez, ou si vous avez vu mon site web, ou même si vous voulez
échanger quelques courriels avec moi ici. Alors, pour ne pas vexer
qui que ce soit, je conserve l'anonymat de toutes les personnes
impliquées (même s'il n'y a rien à cacher, bien sûr!).

Un petit «topo»:

	- J'ai numérisé le Précis de philosophie de Thonnard
	  (et je vais probablement numériser aussi son Précis d'histoire de la philosophie

	- Je suis très friand de tout commentaire sur Thonnard ou ses livres,
	  que ces commentaires soient positifs ou négatifs.

	- Thonnard est un pis-aller, en attendant le MaPhiThoSO.

	- Je ne me gêne pas pour corriger Thonnard, et j'encourage tout le
	  monde à m'envoyer des corrections. Voir la Post-préface.

	  Par exemple, Thonnard dit que Aristote ne connaissait pas le
	  syllogisme hypothétique. M. Yvan Pelletier n'était pas d'accord,
	  alors je l'ai rajouté (cliquez sur cet hyperlien, puis cliquez
	  sur la note No. 136):

	  		§60) Syllogisme hypothétique [°136]


Vous comprenez peut-être maintenant que mon intention n'est pas de
faire la promotion des erreurs de Thonnard, s'il devait y en avoir!

Aussi, en passant, si vous décidez de correspondre avec moi (ce
qui me réjouirait beaucoup!), SVP n'utilisez pas de HTML dans
vos courriels.


>> [Thonnard] commence par une espèce d'ontologie introductive sur
>> l'étant, l'acte, la puissance, etc.

Oui, j'avais déjà remarqué que cela pouvait causer des problèmes.
Voir le No. 2.4.2 de la Post-préface.


>> Cette manière de faire a le double inconvénient de réduire l'ens
>> à sa notion, la ratio entis

Euh, j'avoue avoir un très petit cerveau. Je ne suis pas sûr de
comprendre. Ne peut-on pas tout simplement avertir les lecteurs que
nous allons parler de l'être, et non pas de la notion d'être?

Thonnard semble bien ne pas réduire l'être à sa notion:

	§180). Le premier contact de l'esprit avec le réel
	nous a fourni une série de notions [...]:
	être, chose, un, vrai, bon. Ces notions abstraites	[...]
	sont tirées du réel auquel elles sont pleinement identiques.


>> la métaphysique, la "philosophie première" d'Aristote, suppose la
>> connaissance [de ...] l'épistémologie et surtout de la "philosophie
>> seconde", c'est-à-dire la philosophie de la nature.

Vous me semblez avoir tout-à-fait raison.


>> il faut les voir premièrement dans leur conditionnement originaire,
>> qui est celui de la "phusis", c'est-à-dire en philosophie de la nature

Là aussi, c'est aussi mon sentiment premier.


>> L'avantage de cette méthode est qu'elle garde l'oeil de l'intelligence fixé
>> sur le réel, au lieu que celle du P. Thonnard l'enferme dans le notionnel et
>> le logique.

Euh, «enfermer une intelligence» me semble un peu fort, mais
je vous écoute.


>> Cette posture est en fait sous la dépendance de l'adversaire
>> qu'elle veut combattre, le kantisme qui régnait en maître dans l'Université
>> française sous la Troisième République

J'écoute.


>> il est extrêmement dangereux de se laisser imposer ne fût-ce
>> qu'un point de départ par l'adversaire, puisque, aussi bien, tout
>> se joue, en philosophie, au plan des principes.

Amen! Bien sûr!

Mais il ne faut pas non plus exagérer dans l'autre direction,
et fuir un champ de bataille parce qu'un jour, un adversaire
y a posé sa botte impure!

:-)


>> Ce modus procedendi conduit à l'aberration de traiter
>> les notions éminemment métaphysiques de substance, de
>> qualité et de relation en physique

Euh, vous voulez dire qu'il ne faut pas parler de substance, de
qualité et de relation ailleurs qu'en métaphysique?


>> à l'aberration encore plus étrange de faire de l'ontologie une
>> kalologie

Euh, «kalologie», ça veut dire l'étude de la beauté?

Aussi, je ne vois pas comment Thonnard réduit l'ontologie à
la «kalologie».

Il a un long chapitre sur l'ontologie, et Thonnard ne parle pas
d'esthétique en ontologie. Voir paragraphe 926.


>> il faut bien transmettre un patrimoine de notions et de principes.
>> Au moins faut-il tenter de montrer la subordination de ce patrimoine
>> à une recherche contemplative du vrai.

Je suis bien d'accord, même si c'est un peu vague.


>> Or, en rationalisant par trop le discours, cette intention de
>> fond s'estompe dans l'esprit du lecteur.

Je ne suis pas sûr de comprendre.


>> il ne faut pas oublier que le "thomisme" de ce type a fait
>> l'objet d'un rejet massif à partir des années soixante, pour
>> des raisons qui ne sont pas toutes mauvaises.

Ici, je parle un peu plus en connaissance de cause. Le rejet
des auteurs comme Thonnard, au moins ici au Québec, a plutôt
été causé par un rejet de tout ce qui est «entaché» de
catholicisme.

Selon moi, Thonnard n'a pas été rejeté parce qu'il a pris son chapitre
sur l'ontologie, pour le mettre plus haut sur la pile (vers
le début) en expliquant à tout le monde que ce tas de feuilles
appartient aussi de droit plus bas, vers le milieu de la pile.

Thonnard a été chassé par le Post-modernisme, pas par une
vague «d'épuration thomistique».


>> la métaphysique ne porte pas plus sur la notion d'être en tant
>> qu'être que la physique ne porte sur la notion d'être en devenir. Ce
>> serait là transformer ces sciences en logiques: la physique porte sur
>> l'être en devenir lui-même, comme la métaphysique porte sur l'être en
>> tant qu'être ; nous disons bien, sur l'être lui-même, et non pas
>> simplement sur sa notion.

Cela me semble bien vrai. Ne pourrait-on pas simplement en avertir
le lecteur au début de l'ontologie?


>> on se donne à soi même le plaisir de se la représenter
>> après coup, une fois faite, dans une sorte de tableau
>> d'ensemble qui permet de l'embrasser d'un seul regard.

Ce qui n'est pas mauvais en soi, non? À un moment donné,
il est agréable de voir la forêt, et non pas seulement les arbres!


>> À ce moment pourtant, elle est morte

«Morte»? N'est-ce pas une manière de parler un peu forte?


>> ce n'est pas ainsi qu'on aurait pu la faire d'abord.

Bien sûr que non! Avant d'avoir fait une découverte, on
ne connait pas ce qu'on veut découvrir! D'où les tâtonnements,
les erreurs de parcours, les essais parfois ridicules ou
douloureux.

Une fois qu'on a découvert, tout semble si clair et si
facile!


>> ceux qui "exposent" sont bien rarement ceux qui inventent,
>> ou, quand ce sont les mêmes, ils nous cachent [...]
>> leur art d'inventer

Je pensais avoir signalé ce risque il y a longtemps, au
numéro 2.3.3 de la Post-préface,
mais Gilson ne parle pas de la même chose. Son idée
me fait penser à un passage dans "POLYA, G. How To Solve It; A New
Aspect of Mathematical Method, 2nd Ed., Princeton, NJ, Princeton
University Press, 1988".

Oui, je suis bien d'accord avec Gilson que tout Manuel
court le risque d'induire le lecteur en erreur, en lui
«mettant la nourriture toute cuite dans le bec», sans lui
montrer comment voler de ses propres ailes pour aller
attraper sa nourriture. Je rajoute le numéro numéro 2.3.4
à la la Post-préface.
Merci infiniment de m'avoir signalé cette lacune!


>> En matière de connaissances réelles, on ne raisonne pas à
>> partir des principes, mais en accord avec eux et dans leur
>> lumière, sur la réalité.

C'est exactement ce que dit Thonnard en plusieurs endroits, par
exemple:

	§250). Nous abordons ici l'objet propre du Traité de
	Philosophie naturelle, l'étude des êtres corporels et des
	nombreux changements qui se manifestent quotidiennement
	à notre expérience. Nous devons les rendre intelligibles
	à la lumière des premiers principes

ou encore:

	§74).
	Nous constatons en effet que notre intelligence débute par
	l'ignorance scientifique; puis, en interprétant les faits
	à la lumière des premiers principes fournis par le bon sens,
	elle doit progresser peu à peu dans les sciences.

Insinuer le contraire à propos de Thonnard semble peu
appuyé par les faits, selon moi.


>> Fixer trop l'attention sur les définitions, c'est la
>> détourner de ce qui est.

Si on prend l'expression «fixer l'attention sur les définitions»
comme étant l'opposée de l'expression «essayer de comprendre
ce dont on parle», Concedo.


>> Nous possédons les définitions, alors, si nous
>> aimons mieux posséder que contempler, nous nous arrêtons aux définitions
>> et à la logique, nous n'entrons plus en philosophie première et notre
>> intelligence devient stérile

Oui, bien sûr, si nous tombons dans le psittacisme et les
jeux de mots, notre intelligence sera stérile. C'est tout le drame
du thomisme décadent, à ma connaissance.


>> Certains thomistes déclarent que si on ne leur laissait
>> qu'une seule partie de la philosophie à enseigner, ils
>> choisiraient la logique sans hésitation: c'est une trahison complète de
>> la pensée de saint Thomas.

Bien sûr!

Mais j'avoue ne jamais avoir entendu un thomiste dire une chose
pareille. Mais je ne fréquente pas les universités et les cercles
thomistes, alors mon impression n'a pas beaucoup de poids.


>> la définition sécurise car on la possède. La découverte inductive
>> des principes propres de ce qui est ne sécurise pas parce qu'on
>> ne la possède jamais.

Si par là vous voulez dire: «La connaissance de la réalité
sera toujours plus difficile, mais infiniment supérieure à la
connaissance purement verbale», Concedo. Mais on enfonce des
portes ouvertes, selon moi. Nul ne prétend qu'il faut se
limiter aux définitions nominales, sans regarder la réalité!


>> plutôt que de chercher à découvrir ces principes
>> qu'elle ne possède jamais et qu'elle ne peut pas définir.

Euh, ici j'aurais quelques réserves. Les gens qui prétendent
qu'on ne peut jamais définir ou posséder intellectuellement
ce dont on parle, sont normalement les Post-modernistes.

Oui, bien sûr, il faut rester sur le qui-vive et chercher
la vérité, si on ne l'a pas trouvée! En cela, Concedo.
Bien sûr, devant la difficulté de trouver cette vérité, il
ne faut surtout pas «se replier sur soi-même et considérer qu'il est
plus important d'être dans une conscience parfaitement limpide»,
que dans la réalité de notre connaissance actuellement
imparfaite! Re-Concedo!


>> la logique [...] risque [...] de devenir un obstacle
>> [...] qui nous empêche de nous élever à la hauteur de ce qui est.

Concedo, mais abusus non tollit usum, non?


>> Le primat de la logique conduit directement à une philosophie
>> systématique, c'est-à-dire à une pensée qui cherche à définir et à
>> ordonner la connaissance comme un tout d'une cohérence parfaite.

Concedo, mais j'aurais formulé différemment: «La réalité est
compliquée, et nos cerveaux sont tout petits, alors méfiez-vous
si ce que le professeur vous dit devient trop simple et limpide;
il laisse peut-être tomber les morceaux de la réalité qu'il
comprend mal».

Ou plus brièvement: «L'orgueil tue la sagesse».


>> Ceux qui cherchent la définition cherchent avant tout
>> l'universel et oublient très vite la réalité existante.

Un peu exagérée comme formulation. Je dirais: «Ceux qui
cherchent mal la définition, etc.»  Mais bien sûr,
je suis d'accord qu'il faut chercher «en premier lieu la référence à la
réalité par le jugement d'existence "ceci est"».


>> ils ont tout de même pris la peine d'écrire des synthèses très
>> abordables, comme les deux ouvrages dont je viens de citer des
>> extraits.

Zut, la bibliothèque de l'université Laval n'a pas:

	Marie-Dominique PHILIPPE O.P., Retour à la source, t. I,
	Pour une philosophie sapientiale

Mais ils ont (bien sûr):

	Étienne GILSON, Introduction à la philosophie chrétienne


>> beaucoup plus intéressante et, au vrai sens du terme, pédagogique,
>> que le P. Thonnard.

J'ai hâte!

Au plaisir,

Stefan Jetchick

3) Post-Scriptum (2022-oct-20)

De nombreuses années plus tard, je rigole un peu en relisant ces accusations. Le ton plutôt pédant et «Français de France» de leur auteur n'aide pas. L'absence totale de citations de Thonnard n'aide pas non plus; moi je me sens plus solide dans mes critiques quand je cite l'auteur.

Entre autre, dire que Thonnard serait coupable de: «réduire l'ens à sa notion, la ratio entis», est particulièrement rigolo. Pour parler de l'être (ou des bibittes à patate), il faut bien avoir un concept de l'être (ou des bibittes à patate). Si formuler une «species expressa» nous rend supposément incapable d'atteindre ce dont on parle, j'ai bien peur que l'accusation de: «s'égarer dans un verbalisme sans objet» puisse se retourner assez vite contre certaines critiques de Thonnard!

Aussi, en relisant des phrases comme «Si la logique que nous possédons n'est pas utilisée pour être dépassée et aller toujours plus loin dans la recherche de la vérité», j'ai l'impression de flairer des relents de Post-Modernisme typique. Comment peut-on imaginer un «au-delà de la logique», sans méconnaître la logique? Vraiment bizarre comme façon de parler.

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