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Qu'est-ce que la morale?

Boris Kustodiyev. Matin.
Il serait mauvais de baigner un bébé dans l'acide sulfurique, à cause de la nature même du bébé.
(Boris Kustodiyev. Matin. Source)

1) Introduction

Qu'est-ce que «la morale»? Si je pouvais répondre parfaitement à cette question, mes oeuvres seraient probablement énumérées à côté des ouvrages classiques d'Aristote, de saint Thomas d'Aquin, et des autres bons philosophes comme F.-J. Thonnard! Mais malgré mon manque de formation, je vais quand même tenter de vous résumer quelques notions, en quelques pages, surtout pour vous donner le goût d'en apprendre plus.

2) Comment s'appelle cette discipline, et de quelle science relève-t-elle?

Commençons par clarifier certains mots. La «Morale», c'est la manière abrégée de dire «la philosophie morale», qui est la quatrième partie de la philosophie, reine des sciences. «L'Éthique», c'est la même chose, mais avec une étymologie grecque plutôt que latine («ethos» veut dire la même chose en grec, que «mos, mores» en latin).

Méfiez-vous de certains mauvais philosophes, qui vont tenter de vous faire croire toutes sortes d'erreurs concernant la morale, comme par exemple:

- «La morale est différente de l'éthique»; ou
- «La morale ne fait pas partie de la philosophie, mais d'une autre science, comme la sociologie, ou la psychologie»; ou
- «La morale n'existe pas»; ou
- «La morale existe, mais elle n'est pas une science», etc.

La réfutation de ces erreurs, et bien d'autres, dépasse la portée de ce bref essai. Veuillez vous référer aux bons livres de philosophie mentionnés ci-haut.

3) En gros, qu'est-ce que la morale?

Supposons que vous avez une plante d'intérieur, disons un géranium. Si vous voulez que cette plante s'épanouisse, qu'elle atteigne son plein développement, vous allez poser certains gestes, et éviter certains autres gestes. Par exemple, vous allez éviter d'arroser votre géranium avec du carburant diesel, et vous allez éviter d'enfermer votre géranium dans une boîte où il n'y a pas de lumière.

Pourquoi? Parce que étant donné le but (l'épanouissement de votre géranium), vous allez constater que certains gestes permettront de vous rapprocher du but (et qu'on va appeler «bons» gestes), et d'autres pas (qu'on appellera «mauvais»). Arroser son géranium avec du carburant diesel est mal, parce que cela cause un grand tort au géranium.

La morale, c'est un peu comme si on remplaçait le géranium par un homme. On suppose que le but (strictement parlant, la fin dernière subjective) est l'épanouissement, le plein développement, en d'autres mots, le bonheur de l'homme. La morale étudie les moyens, les gestes à poser pour nous rapprocher du bonheur. Un geste qui nous éloigne de notre bonheur est un «péché». (Remarquez que le mot «péché» existait longtemps avant Jésus-Christ. Le concept de péché n'implique pas la Foi catholique.)

4) Quelle est la «nature humaine»?

Pour reprendre notre exemple du géranium, on peut voir que la bonté et la malice d'un geste va dépendre de la nature de ce qu'on essaie de perfectionner. Si vous définissez incorrectement un «géranium» comme étant «un moteur à combustion interne à allumage par compression», alors il sera très bon «d'arroser» le réservoir de carburant de ce «géranium» avec du carburant diesel, et «d'enfermer» ce «géranium» dans une grosse boîte métallique sombre (en fermant le capot du moteur!).

Pour la morale, c'est la même chose. Dépendamment de la définition qu'on va donner à l'expression «nature humaine», des gestes pourront être considérés comme très bons, ou très mauvais. Si, par exemple, vous définissez l'homme comme «un être composé de matière et d'une âme spirituelle créé par Dieu», votre morale sera bien différente que si vous définissez l'homme comme «un produit purement matériel d'une évolution sans but».

On comprend mieux pourquoi la morale n'est pas la première partie de la philosophie. En effet, pour étudier la morale, il faut d'abord étudier la nature humaine (ce qui est fait en philosophie de la nature), et le but ultime de la vie humaine (le Bien Suprême, aussi connu sous le nom de Dieu, qu'on étudie en «Métaphysique»).

5) Quelques exemples de définitions incorrectes de la nature humaine

Il y a toutes sortes d'erreurs concernant la nature humaine. Voici quelques exemples:

5.1) La liberté purement formelle. Cette erreur prétend que notre liberté est purement formelle, que nous ne sommes rien d'autre que notre liberté. Dans ce cas, le «bonheur» devient égal à «l'agir libre à l'état pur», sans référence à la vérité concernant notre nature humaine. C'est comme si le géranium, n'étant plus une plante qui a besoin (de par sa nature!) d'eau et de soleil, pouvait s'épanouir en buvant du carburant diesel, d'abord qu'elle choisisse librement ce qu'elle boit! Avec cette erreur, les lois justes, loin de nous aider à nous rapprocher du bonheur, deviennent supposément le principal obstacle à notre épanouissement.

5.2) Le Matérialisme et le Relativisme éthique. Une série d'erreurs tourne autour du matérialisme, de la négation que nous avons une âme spirituelle. Par exemple, si nous sommes le fruit purement matériel d'une évolution sans but, la «nature humaine» devient un concept très flou. Comme notre nature n'est pas stable, ce qui perfectionne notre nature devient tout aussi changeant. Le «bien» et le «mal» deviennent complètement relatifs: ce qui est «bien» maintenant, pourra être «mal» demain, car notre nature aura changé, selon cette erreur.

5.3) Le Matérialisme et le Conventionalisme juridique. Une autre erreur reliée au matérialisme est la négation de la Loi naturelle. Si nous sommes le fruit purement matériel d'une évolution sans but, alors Dieu n'a pas créé notre âme spirituelle. Comme Dieu ne détermine ni notre nature humaine, ni les actes qui la perfectionnent, alors nous ne pouvons pas faire l'effort de connaître ce que Dieu «avait en tête pour nous». Les lois humaines deviennent purement conventionnelles. Le viol, par exemple, peut devenir bon (il suffit que le Parlement change la loi!).

5.4) Le Matérialisme et l'élimination de la responsabilité. Un autre exemple d'erreur causé par le matérialisme, est la diminution ou l'élimination de la responsabilité personnelle. Si l'homme est un être purement matériel, alors la liberté n'existe pas (la matière ne peut pas être vraiment libre). On ne peut pas blâmer les gens quand ils agissent «mal», car ils ne sont pas vraiment responsables de leurs actes. Les criminels ne sont pas coupables, car ils sont le résultat inévitable des conditions matérielles de leur éducation. Les drogués non plus ne sont plus responsables de leurs actes, donc il faut se contenter de leur fournir de la drogue et des seringues propres. Les adolescents sont condamnés à avoir des relations sexuelles hors du mariage, à cause de leurs hormones, donc on ne peut que leur fournir des condoms, et ainsi de suite. (Bien sûr, il y a une part de vérité dans cette erreur, car nous ne sommes pas des êtres purement spirituels).

5.5) Le spiritualisme exagéré. Certains mauvais philosophes disent que l'homme a une âme spirituelle (ce en quoi ils ont raison), mais ils disent ensuite que notre âme est accidentellement, et non pas essentiellement, unie à notre corps. Ceci mène à toutes sortes d'erreurs en morale, comme par exemple que la culture physique ne serait pas importante, ou que notre liberté ne serait pas fortement influencée par des conditions physiques (comme la maladie, ou l'état d'ébriété, etc.), ou que le comportement humain pourrait être parfaitement étudié sans faire référence aux sciences comme la Biologie, la Psychologie, la Sociologie, etc.

Il y a bien sûr de nombreuses autres variations. Ce qui est important à ce stade-ci est de bien comprendre que toute erreur concernant la nature humaine a des conséquences très négatives sur toute la morale.

6) Conclusion

Je n'ai qu'effleuré le sujet, et bien d'autres questions se posent:

- Qu'est-ce qu'une loi?
- Qu'est-ce que la conscience?
- Qu'est-ce qu'une «valeur»?
- Qu'est-ce que la loi naturelle?
- Etc., etc.

Et n'oubliez pas que, selon moi, pour agir bien, vous devrez un jour ou l'autre aller «boire à la source», c'est-à-dire vous référer à de bons ouvrages de philosophie.

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