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La nappe phréatique spirituelle

Vasily Perov. Troika; Apprentis-travailleurs portant de l'eau.
Nos enfants vont payer pour notre pollution de la nappe phréatique spirituelle.
(Vasily Perov. Troika; Apprentis-travailleurs portant de l'eau. Source)

1) Introduction

Si votre voisin décidait de creuser un trou profond sur le terrain de son chalet, et d'y enterrer des déchets toxiques (comme des barils remplis de mercure, ou de vieux transformateurs rouillés et pleins de biphényles polychlorés, etc.), le laisseriez-vous faire? Si le ministère de l'Environnement venait lui rendre visite, et que votre voisin se défendait en disant: «Bien, c'est mon terrain privé, j'ai le droit d'y faire ce que je veux!», pensez-vous qu'on accepterait son argument?

De nos jours, on sait beaucoup plus de choses sur l'écologie qu'il y a cinquante ou cent ans. On sait que la nappe phréatique peut être contaminée, même à de très grandes distances, et qu'une fois qu'elle est contaminée, c'est tout l'approvisionnement en eau potable d'une région qui risque d'être bouleversé. Et ça, ce sont les bonnes nouvelles! En effet, si on ne détecte pas la contamination assez vite, de nombreux hommes (incluant de jeunes enfants) risquent leur santé, sinon leur vie.

2) La «nappe phréatique» spirituelle

Nous sommes heureusement assez bien informés pour les nappes phréatiques ordinaires. Mais que dire de la «nappe phréatique spirituelle» du Québec? De nombreuses personnes s'imaginent que des prêtres catholiques peuvent «enterrer des déchets spirituels sur leur propriété privée», sans que cela nuise à tous les habitants du Québec! De nombreuses personnes s'imaginent que, puisqu'ils sont athées, ou du moins non-catholiques, alors supposément ce qui se passe dans la «cour arrière» de l'Église catholique ne devrait pas les préoccuper!

Il me semble que c'est faux. Une société humaine ressemble de plusieurs manières à une nappe phréatique. Ce qui se passe apparemment en privé à un bout de la société finit souvent par avoir des répercussions jusque dans les extrémités les plus reculées. En effet, les habitudes (bonnes ou mauvaises, vertueuses ou vicieuses) qu'on inculque à certains membres de la société finissent par «contaminer», par influencer tous les autres membres de la société.

Prenons un bon exemple: une maman, dans l'intimité de son foyer, enseigne à son enfant de ne pas jeter ses déchets par terre. L'enfant grandit et, de nombreuses années plus tard, ramasse une bouteille vide qui traîne sur le trottoir. Un passant le voit, et pense en lui-même: «Voilà un beau geste. C'est vrai qu'il ne faut pas jeter des déchets par terre», et fait donc l'effort de faire trois pas de plus pour jeter son emballage de barre de chocolat dans une poubelle, plutôt que de bêtement le jeter par terre. Et ainsi de suite.

C'est malheureusement la même chose pour les mauvais exemples. Les pervers qui vont dans des bars de danseuses nues prétendent que «c'est leur vie privée», qu'ils sont «entre adultes consentants», et bien sûr «que ce n'est pas illégal», etc. Mais l'habitude qu'ils acquièrent et renforcent, la mauvaise habitude de traiter les femmes comme des objets, n'aura-t-elle pas une influence négative dans le reste de la société, à un moment donné?

Parce que nous vivons en société, ce que certains membres font dans leurs églises privées finit par avoir une influence sur toute la société.

3) Les «contaminants» déversés par certains prêtres et évêques catholiques

Il me semble tout-à-fait possible de prouver une relation stricte de cause à effet entre la corruption de certains chefs catholiques, et certains comportements néfastes dans le reste de notre société. Quelques exemples:

3.1) Les «Prions en Église» anti-écologiques. Les prêtres catholiques sont supposés enseigner à leurs ouailles que la Bible contient la Parole de Dieu. De grandes marques de respect sont accordées à la Bible dans la liturgie officielle, comme porter les Écritures saintes en procession, ou donner un baiser au livre avant de lire les Évangiles, etc. Sauf que, de nos jours au Québec, les fidèles suivent la messe dans des petites brochures (les «Prions en Église») qu'on jette après chaque dimanche! Est-ce un bon exemple à donner pour encourager le respect de l'environnement? Si on méprise la dignité de la Parole de Dieu, pourquoi ensuite se surprendre du mépris qu'on a pour Dame Nature? Et n'oublions pas que pendant des siècles, les fidèles catholiques avaient des Missels, un livre de messe qu'on pouvait garder toute une vie. Pas de déchets! Et devrais-je mentionner qu'il n'y avait pas de publicité dans les anciens Missels? Imaginez, de la publicité dans la Parole de Dieu! Ensuite, on se scandalise des compagnies de boissons gazeuses qui font de la publicité dans les cafétérias d'écoles primaires...

3.2) La distribution des Sacrements, et des diplômes scolaires. Y aurait-il un rapport entre les prêtres qui distribuent les Sacrements n'importe comment, et les écoles qui distribuent des diplômes, même aux élèves qui devraient échouer? Je n'ai pas de preuve, mais j'ai l'impression que de nombreux prêtres «laissent tout passer» (voir entre autres Le Sacrement de la «désévangélisation»). De plus, ayant déjà corrigé des épreuves d'étudiants, j'ai cru constater que plusieurs diplômés n'avaient pas nécessairement les compétences attestées par leur diplôme. Dans les deux cas, il me semble que les personnes responsables, pour appliquer le règlement, ont choisi la voie facile, pour avoir la «paix».

3.3) Les prêtres qui manquent à leur parole donnée, afin d'encaisser leur chèque de paie. Quelle que soit la société, quelle que soit l'époque, une des composantes les plus importantes de la santé sociale est la capacité des citoyens de tenir leur parole donnée. Le respect de la parole donnée a une influence dans toute la société, que ce soit pour le respect des contrats d'achat ou de vente, ou le respect du code de déontologie de chaque profession, ou le respect des promesses de mariage, etc. Or chaque prêtre catholique, librement, en pleine connaissance de cause, par écrit et publiquement, a prêté le serment de respecter tous les enseignements de l'Église! Que dire alors des prêtres qui font semblant d'être catholiques quand vient le temps d'encaisser leur chèque de paie, mais qui, le restant du temps, sont carrément protestants? Devrais-je mentionner l'actuel scandale des commandites qui sévit à Ottawa? (Pour ceux qui ne vivent pas au Canada en 2005, le scandale des commandites est en gros plusieurs douzaines de millions de dollars, allouées pour la promotion de l'unité canadienne, et qui ont mystérieusement abouti dans les poches d'amis du Parti Libéral au pouvoir.) Je ne vois pas comment donner l'exemple d'une personne qui préfère l'argent à sa parole donnée pourrait être bénéfique à notre société.

3.4) La promotion de la Culture de la mort. Même si tous les enseignements officiels de l'Église catholique font la promotion de la Culture de la Vie, une proportion importante du clergé «catholique» au Québec fait la promotion de la culture exactement inverse, avec l'avortement, la contraception, le divorce, la sodomie, etc.

Etc., etc.

4) Les facteurs aggravants de la pollution spirituelle

Les polluants chimiques peuvent être plus ou moins concentrés, et donc plus ou moins dangereux. De façon similaire, la pollution spirituelle peut être plus ou moins dangereuse, selon plusieurs facteurs:

4.1) La «hauteur morale» de l'institution. Si demain matin vous lisez dans le journal qu'un membre d'une bande de motards s'est soûlé et a battu sa femme, cette pollution spirituelle n'aura pas autant d'effet que si cela avait été un juge, ou un politicien, etc. Or, quelle est l'institution avec le plus de «hauteur morale»? Considérez que les prêtres et les évêques catholiques sont des «professionnels de la sainteté». Vous ne les payez pas pour réparer votre voiture, ou pour nettoyer vos dents, ou pour enseigner l'arithmétique à votre fille cadette. Vous les payez pour qu'ils soient des saints, pour qu'ils parlent de sainteté, et qu'ils répandent la sainteté autant qu'ils peuvent.

4.2) La «capillarité sociale» de l'institution. Imaginons une source de «pollution spirituelle»: un club pour les nudistes qui aiment jeter leurs bouteilles de bière vides sur la plage, et qui aiment abattre, au fusil de chasse de fort calibre, les espèces menacées. Supposons qu'il n'y a qu'un seul chapitre de ce club, loin au nord en Colombie-Britannique, sur une courte plage de la côte du Pacifique. Oui, ce club va causer une certaine pollution spirituelle (de même que de la pollution matérielle!), mais probablement pas autant que si ce club avait eu la même «capillarité sociale» que l'Église catholique. L'Église a des diocèses partout au Canada, des paroisses dans les plus petites villes, et son système scolaire est souvent bien développé (autant pour les jeunes enfants que pour les autres groupes d'âge). Maintenant, regardez à l'extérieur du Canada: quelle église est répandue partout sur la Planète autant que l'Église catholique? Quelle église a une sorte de «Gouvernement mondial» aussi développé que l'Église catholique?

4.3) La «systématicité» de la corruption. Toutes les institutions ont leurs «pommes pourries». Les hommes ont tendance à commettre des péchés, et si vous regroupez assez de gens dans une institution, éventuellement un des membres va faire quelque chose qui n'est pas très gentil. Mais ce n'est pas la même situation qu'une institution qui commence à fabriquer systématiquement des personnes vicieuses.

Etc., etc.

5) Conclusion

Si mon voisin voulait enterrer des déchets toxiques sur son terrain, je m'objecterais. De la même manière, même si j'étais bouddhiste, ou musulman, ou juif, je m'opposerais quand même à la corruption à l'intérieur de l'Église catholique. Les mécanismes sociologiques qui unissent tous les citoyens ne font pas de discrimination religieuse. Nous devrions les imiter.

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